« Brillante » de Stéphanie Dupays…

J’ai lu ce livre dans l’A380 qui m’emmenait à Bangkok.
J’aime bien faire voyager les écrivains…

Note de l’éditeur :

Claire est une trentenaire comblée. Diplômée d’une grande école, elle occupe un beau poste dans un groupe agro-alimentaire où elle construit sa carrière avec talent. Avec Antonin, cadre dans la finance, elle forme un couple qui est l’image du bonheur parfait. Trop peut-être.

Soudain, Claire vacille. Au bureau, sa supérieure hiérarchique lui tourne ostensiblement le dos, de nouvelles recrues empiètent sur ses dossiers, elle se sent peu à peu évincée. Après une phase de déni, Claire doit se rendre à l’évidence : c’est la disgrâce.

Elle qui a tout donné à son entreprise s’effondre. Claire va-t-elle réussir à exister sans «briller»?  Que vont devenir ses liens amicaux et amoureux fondés sur un même idéal de réussite?

Stéphanie Dupays dépeint ici une ascension en déperdition la plus totale, une placardisation violente difficile à accepter tant sur le plan professionnel que personnel.
Pestiférée aux yeux de tous et surtout d’elle-même, Claire finit par se poser des questions, celles sur lesquelles elle aurait dû se pencher dès le départ.
En sortira-t-elle grandit ? Succombera-t-elle de nouveau à l’appel d’une vie faite de clichés ?

Ce titre sonne comme un couperet.
C’est un premier roman réussi sur le monde impitoyable du travail d’une génération sacrifiée sur l’autel d’idéaux artificiels et grotesques imposés par notre société du paraître, servi par une écriture intéressante.
Là où d’autres auraient pu s’égarer dans des longueurs à n’en plus finir, l’écrivain fait court et c’est percutant.

Belle lecture à tous !

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Ce livre fait partie de la sélection des 68 (éditions 2016), challenge auquel je participe.

« La compétition s’est déplacée de l’excellence scolaire à l’habileté sociale. »

« Un couple envié qui s’est inventé une vie, et les personnages qui vont avec. »

« Et puis (se) mentir… Mon job est formidable. Des mots bien comme il faut. »

« Un monde où la langue n’a plus d’importance, où toute l’activité est orientée vers le présent et l’opérationnel. »

« Céder sur les mots, c’est céder sur les choses. »

« Depuis qu’elle se sent en échec, Claire a besoin de s’évader du petit cercle des perfectionnistes, des infaillibles, des trop sûrs d’eux. »

« Comment réagir face à quelqu’un qui n’offre aucune résistance ? L’affrontement n’en est que plus violent car il est nié, il n’a pas le droit de cité. »

« Comment s’y retrouver quand les mots ont perdu tout leur sens ? »

« Dans le couple comme dans l’entreprise, il faut se vendre et se présenter sous son meilleur jour. »

« Se souvient-elle d’elle au-delà de l’image idéal qu’ils projettent aux yeux d’autrui ? »

« La plupart des couples n’existent que par l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes. »

« Sortir du jeu social »

« Des clones, de purs produits d’une usine à rêves »

Editions Mercure de France

NDLR. Troisième lu de la sélection du Challenge 68 édition 2016 !

« Les temps perdus » de Juan Pablo Villalobos…

J’ai choisi ce livre pour sa couverture qui m’a fait rire.
Il s’est révélé aussi déjanté que subtil.

Sur fond de révolution, tremblement de terre, corruption, disparitions et assassinats, nous avons affaire à une sacrée satyre, une immersion humoristique dans un immeuble aux querelles de voisinage hautes en couleur !
On y croise des chiens, des cafards, Diego Rivera (& Frida), Tête de Papaye, Francesca (aussi bien objet de fantasmes en tout genre que dictatrice immobilière et littéraire), Téo (ennemi public n°1 d’un cercle de lecture qu’il refuse d’intégrer alors que tout le monde l’imagine écrivain) et tant d’autres, tant d’autres…

Les quiproquos sont assez irrésistibles.
C’est fantasque à souhait.

Belle lecture à tous !

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Editions Actes Sud

« Tel est le paradoxe de l’Art.
Il faut rechercher le nouveau.
Celui qui ne recherche pas ne trouve pas. »

« A la trace » de Carole Zalberg…

La petitesse d’un livre est souvent un concentré d’émotions décuplées.
Qui plus est lorsque c’est Carole Zalberg à la plume.

Carole Zalberg.
C’est sans aucun doute un des écrivains contemporains qui m’est indispensable. Une parenthèse littéraire que j’attends à chacune de ses parutions depuis quelques années maintenant.
Je ne parle pas ici de fanitude qui peut faire peur ou qui veut déranger.
Bien au contraire.
Lorsque quelqu’un me touche particulièrement, je peux être muette ou ne plus savoir quoi dire lors d’une rencontre.
Un de mes nombreux paradoxes.

J’apprends à découvrir cet auteur de livre en livre.
Il y a un fil, un vrai. Une atmosphère. Une recherche. Une quête identitaire. Une exploration intérieure profonde. Un parcours littéraire qui m’émeut.
Et puis des mots. J’aime son écriture : vivante, poétique, aussi puissante que douce, enveloppante, jamais superflue.

« A la trace » est paru en janvier.
Dès sa sortie, je suis allée chez mon libraire de quartier.
Certains pourront dire : « mais nous sommes en avril et tu ne le lis que maintenant ?! ».
Oui.
Je l’avais. Je le savais là. Quelque part cela me suffisait. Tous les jours il me faisait de l’oeil et j’avoue que j’aimais cela. Mais bon à un moment donné, l’appel est trop fort…

De ces lignes j’ai encore une fois tout aimé.

J’ai suivi son voyage en Israël sur Facebook. Elle n’est pas avare de partages, et j’aime le regard qu’elle porte sur les personnes et les choses.
Je l’ai suivie « à la trace », cette trace qui n’était pas encore écrite mais qu’elle portait en elle. Déjà palpable, indispensable.

« Ce pays décidément aussi complexe qu’attachant »

Un voyage nécessaire.
Des souvenirs, des retrouvailles…
Sa vision, différente parfois que celle de sa famille, de cette terre qui l’habite. Qui la hante.

Une « épreuve, mêlée à la joie »

« (…) ma mère (…) elle a laissé un peu de ciel clair au-dessus de nos têtes (…).
Je crois que c’est ce qui me permet d’aller explorer les ombres.

Je sais qu’au retour, la lumière m’attend »

« C’est dans les équilibres et cicatrices de cette fratrie
si particulière que l’Histoire s’incarne ».

Certains auteurs ont le don de vous marquer plus que d’autres.
En bonne voyageuse que je suis, je pense qu’Israël (de manière différente forcément) me pend au nez. Un jour, il faudra que je me décide.

En attendant, Asie J-3.
Et à bientôt dans vos lignes Chère Carole…

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Editions Intervalles

« Le soldat fantôme » de Jean-Guy Soumy…

Note de l’éditeur :

Elle est allemande, lui américain. Ils se rencontrent à quelques semaines de la chute du nazisme. Dans cet univers de guerre et de faux-semblants, leur amour peut-il avoir un sens, un avenir ? Et même une réalité ?

Lorsque Babelio (encore merci à eux) m’a proposé de me l’envoyer pour le chroniquer, je n’ai pas hésité une seconde.
La période m’a toujours intéressée et je trouve la dissection des sentiments paradoxaux passionnant.

Le livre est rythmé par le fait que les deux personnages se font écho : Steven alias Clarence Wilson, soldat fantôme de son état. Hanna, berlinoise qui a fui à bicyclette.
Deux points de vue intéressants et qui apporte pour celui d’Hanna un éclairage très intéressant sur la société allemande (et les secrets de famille de ce côté-là aussi) pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Nous sommes bien loin (et c’est tant mieux) d’une histoire cul-cul la praline.
Elle est belle, bien qu’il lui manque une fois le livre refermé une certaine profondeur, ce truc complètement fou qui fait que…
L’écriture émérite est à signaler, même si j’estime celle-ci un peu trop dans la retenue pour l’histoire contée.
J’ai envie de dire que si tout cela est fait pour nous troubler, c’est réussi… Et j’arrive même à me persuader au final que c’est ce que l’écrivain a voulu pour que cela participe à l’atmosphère souhaitée.

Belle lecture à tous !

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« La pluie. Incessante. Qui nous dévaste, nous pénètre. Nous glace. Nous recouvre de boue, sans espoir de sécher »

« Je pense à mon vélo resté dans le wagon. A la mort qui, pour cette fois, n’a pas voulu de moi »

« J’aime les filles à bicyclette. Elles incarnent la liberté. La liberté, chez une femme, est ce qui me trouble le plus »

« Je ne sais plus comment cela s’est installé en moi. Cette tentation de m’effacer qui me traverse parfois. L’idée de me fondre dans le décor. Comme si je doutais de ma propre existence, celle qui m’a été assignée par ma naissance et le regard des autres. Il m’arrive de ne plus percevoir clairement les limites de la réalité »

« Que pourrions-nous espérer bâtir, nous qui nous sommes connus sur des décombres ? Dans la violence. Emportés par l’Histoire monstrueuse qui grandit ou avilit tous ceux qu’elle touche. Et pourtant je ne parviens pas à me convaincre que nous sommes sans avenir. Vois-tu, j’espère encore. Il est dans ma nature de résister »

« Décidément, tu as tout souillé, l’Autre ! Tout saccagé. Est-ce parce que c’est la fin que j’ose de te dire en face ? Tu as profané tes adorateurs comme tes adversaires. A grande échelle comme dans nos vies minuscules. (…) Qui va nous réparer, nous les abîmés ? Qui va ressusciter nos morts ? Qui va me guérir moi ? »

Editions Robert Laffont

« Palmyre, l’irremplaçable trésor » de Paul Veyne…

Paris, un peu plus de 5h du matin.
Dehors, un vent à décorner les boeufs !

Le hasard du calendrier fait que je lis ce livre quelques heures après que l’armée syrienne ait réussi à la reconquérir.
Mais le mal est fait.

Palmyre, « trésor » de guerre tombé entre les mains de Daesh en mai 2015. Cet oasis du désert de Syrie est située à 210 km de Damas (qui se trouve seulement à 4h de Paris en avion). Ruines archéologiques irremplaçables, son théâtre antique désormais martyr a servi dans la mise en scène de l’exécution de vingt prisonniers.
En août 2015 a eu lieu la décapitation de Khaled al-Asaad, expert de renommée mondiale du monde antique. Le livre lui est dédié.

Cet écrit « s’adresse au lecteur honnête homme ». 
Pour Paul Veyne, « il a été l’occasion de me poser de nouvelles questions, car l’actualité me presse. Pourquoi un groupe terroriste saccage-t-il les monuments inoffensifs d’un lointain passé ? »

« Certaines civilisations ont un rayonnement que nous ne savons pas expliquer ».
« C’était la culture qui distinguait. »
« Palmyre ne ressemblait à aucune autre cité de l’Empire ».

A travers 141 pages et quelques photographies, l’écrivain fait revivre sa bien-aimée à travers l’Histoire avec une plume remarquable de conteur.

« Malgré mon âge avancé, c’était mon devoir d’ancien professeur et d’être humain de dire ma stupéfaction devant ce saccage incompréhensible et d’esquisser un portrait de ce que fut la splendeur de Palmyre qu’on ne peut plus désormais connaître qu’à travers les livres ».

Un petit livre d’une grande importance, afin de ne jamais (l’)oublier…

« Oui, décidément, ne connaître, ne vouloir connaître qu’une seule culture, la sienne, c’est se condamner à vivre sous un éteignoir. »

Belle lecture à tous !

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Editions Albin Michel