Mon quatrième livre (qui paraît ce jour !) du challenge #68premieresfois et pour l’instant celui qui sort du lot ! (il m’en reste encore 63 à découvrir )
Premier roman de l’auteur, c’est une description tragique et sans concession du monde du travail dans un hypermarché (l’analyse collerait à beaucoup d’autres lieux et/ou secteurs malheureusement).
L’héroïne endosse le rôle de la déchéance humaine dans toute sa splendeur (malgré ses espérances du début – « Etre acceptée, non pas pour ce que l’on est, mais pour ce que l’on fait », « Quand elle se retrouvait chez elle, après une longue journée de travail, elle avait déjà la sensation de ne pas être seule, de retrouver une autre, celle qui l’avait attendue, qui était cette part d’elle-même que personne ne connaissait »).
« Ressources inhumaines », ou l’abandon de soi pour des promotions à répétition sur l’autel d’une pseudo-ambition soit-disant réfléchie (« stagiaire à 22 ans, cadre sup à 25 ans ») dont la destruction, l’auto-destruction (programmée) sera à la hauteur de l’ascension rapide…
Le choix de la construction du roman participe à sa dynamique « couperet » :
« Le goût du paradis » (1ère partie)
« La chair de l’enfer » (2e partie)
Il est à noter ici que chaque chapitre de l’histoire décrite comporte la réflexion (en italique) de celle que l’on suit, témoin du chaos.
Les phrases, les mots choisis sont sans appel :
« toi, tu as tout compris… »
« Il possède cette odeur du pouvoir… »
« Je serais très fâché de savoir que (…) le chef (…) de l’hypermarché d’en face (…) puisse caresser ton petit cul à ma place »
« Ne ramasse pas, il y a des gens payés pour ça… »
« Plus de volonté que de réflexion »
« Le bas prix, symbôle plus que nauséeux d’une société de sur consommation qui a perdu ses repères les plus intelligents »
« C’est toujours bon pour la motivation, le châtiment d’autrui »
« Le niveau d’incompétence que tout salarié est censé atteindre, un jour ou l’autre, au cours de sa carrière »
« La vie d’un supermarché bat au rythme de l’humanité manipulée. Et cela fait vingt ans qu’elle participe à cette manipulation »
« Le problème était que, dans son cas, la stagnation qu’elle pensait salutaire, allait s’accompagner d’une dégradation de son état mental. Cela se ferait insidieusement, lentement, mais cela se ferait »
« Triste et seule, courbée par l’évidence d’une vie aux contours flous et fragiles »
« Je m’occupe d’eux. Peut-être pour occuper dans leur coeur une place que je n’ai pas »
« Lorsque l’on ose mettre le nez dans sa propre misère, cela fait un mal atroce. »
…
C’est un des cancers de notre Société qui est ici traité par le biais de faux semblants, de la décadence humaine, du non-épanouissement de l’être humain, de la recherche de la reconnaissance, de la solitude, de l’abandon, de la dégringolade sociale, de l’usure de sa vie pour garder un statut… dont l’un des remèdes est la découverte de soi, même tardivement.
« L’humanité a besoin d’intuition et de sincérité, pas de compromis et de fascination… »
« Ce que pensent les autres, il faut s’en faire une armure pour se construire »
« Aimer vraiment une personne, c’est aimer ce qu’elle est, sans chercher à dénicher autre chose, sans chercher à la changer »
Certaines personnes parleront peut-être de ce livre comme une multitude de clichés.
(La vérité dérange)
Mais les faits font partie d’une réalité que l’on ne peut pas mettre en défaut et sont relatés d’une manière suffisamment précise et froide pour que cela soit un premier roman réussi et prometteur.
Un livre COUP DE POING, à lire parce que nécessaire pour faire évoluer les comportements !
Ne jamais oublier que l’essentiel est ailleurs.
Car « Au-dessus de la coursive, il n’y a rien… »
Editions Albin Michel