« Comme neige » de Colombe Boncenne…

Note de l’éditeur :

A la maison de la presse de Crux-la-Ville, Constantin Caillaud découvre par hasard Neige noire, un roman d’Émilien Petit dont il croit pourtant avoir tout lu. Excellente trouvaille, elle va lui donner l’occasion rêvée de recontacter Hélène, sa maîtresse évanescente qui lui a fait aimer cet auteur. Mais au moment de la revoir pour lui confier le livre-sésame, il ne parvient plus à le retrouver. Il cherche alors sur Internet ; aucune trace. S’adresse à l’éditeur : le titre n’a jamais figuré au catalogue. Qu’à cela ne tienne, Constantin écrit à Émilien Petit et à ses amis écrivains : tous nient l’existence de Neige noire.

D’entrée de jeu, nous savons donc que la réalité va flirter avec la fiction…

« Je ne me souviens pas du tout de ce que j’ai fait hier au soir »

Le lecteur va ainsi être baladé tout au long du livre dans une histoire aux contours volontairement flous et somme toute originale !

Et cette phrase de Stendhal que l’on retrouve dans le livre est citée fort à propos  :

« Un roman est un miroir qui se promène sur une grande route »

Au-delà des faux semblants, sont abordées non seulement la question des livres, de leurs auteurs, des lecteurs et de l’édition mais également celle du couple.

Comment démêler le vrai du faux ?
Ne pas répondre à la question nous permet de nous laisser porter avec un certain amusement…

Belle lecture à tous !

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Editions Buchet / Chastel

NDLR. Cinquième lu de la sélection du Challenge 68 édition 2016 !

68 premières fois édition 2016 L'insatiable Charlotte

« Branques » d’Alexandra Fritz…

Branque
masculin, féminin
argot
familier
Qui est un peu idiot ou stupide. 

Note de l’éditeur

Voici la chronique de deux filles et deux garçons internés dans un hôpital psychiatrique. Jeanne, qui y tient son journal, tente de comprendre son basculement dans « l’anormal » et de disséquer à vif les raisons de son amputation de liberté. Rageuse, pugnace, elle a pour compagnons de « branquerie », comme elle dit, Tête d’Ail, Isis et Frisco. L’un obsédé sexuel, l’autre pédante philosophe, tous transpercés par le désir amoureux autant que par la solitude, par des idéaux de justice comme par  des pulsions suicidaires. A très exactement parler, ils en bavent. Avalant des gouttes et digérant des cachets, ils refusent d’être assimilés à une faune hallucinée souvent obèse et déprimante, où les médecins ne sont pas les moins dérangés de tous. Comment ne pas crever de tristesse et de rage ? Dans un quotidien absurde, le sarcasme cautérise les plaies. Que va-t-il arriver à ces quatre personnages dérisoires comme l’humain, attachants comme la faute ?

Voilà : le problème que j’ai pour écrire ce billet est que l’éditeur en dit trop…

Ce livre nous plonge donc dans l’univers psychiatrique, thème qui semble être à la mode dans le milieu littéraire ces derniers mois…

J’avais adoré le sublime et terrifiant « Je m’appelle Blue » du prodige Solomonica de Winter à la rentrée littéraire de septembre dernier et j’ai également beaucoup apprécié « Bellevue » de Claire Berest en janvier.

Alexandra Fritz arrive à tirer son épingle du jeu avec ce premier roman et à aborder le temps, le ressenti, la souffrance, l’errance, la solitude, les regrets, les rêves perdus, les souvenirs, la liberté par le biais d’une écriture et d’une construction littéraire intéressantes.

Belle lecture à tous !

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« Je ne crains personne, je ne crains qu’une chose, c’est que la vie reparte sans que je trouve la force de me tuer à nouveau »

« Ah les arts. Ils permettent d’y voir plus clair quand on n’y voit plus rien »

« Mais il est temps d’écrire (…) Essayer de faire le tour de mon « je  » en laissant la porte ouverte »

« Ecrire sur la solitude c’est comme laisser la lumière allumée dans la pièce d’à côté »

« Je parle d’un double absente, qui est multiple, et qui me manque »

« On se dit qu’il faut tenir. Pourquoi ? Parce qu’il faut »

« Ici, c’est impossible de rester normal ou de le redevenir »

« Chercher la beauté du monde là où il est impossible de l’oublier »

« Enfermement, ceux qui le choisissent, ceux qui le subissent, chacun la pierre autour du cou »

Editions Grasset

NDLR. Quatrième lu de la sélection du Challenge 68 édition 2016 !

68 premières fois édition 2016 L'insatiable Charlotte

 

« Brillante » de Stéphanie Dupays…

J’ai lu ce livre dans l’A380 qui m’emmenait à Bangkok.
J’aime bien faire voyager les écrivains…

Note de l’éditeur :

Claire est une trentenaire comblée. Diplômée d’une grande école, elle occupe un beau poste dans un groupe agro-alimentaire où elle construit sa carrière avec talent. Avec Antonin, cadre dans la finance, elle forme un couple qui est l’image du bonheur parfait. Trop peut-être.

Soudain, Claire vacille. Au bureau, sa supérieure hiérarchique lui tourne ostensiblement le dos, de nouvelles recrues empiètent sur ses dossiers, elle se sent peu à peu évincée. Après une phase de déni, Claire doit se rendre à l’évidence : c’est la disgrâce.

Elle qui a tout donné à son entreprise s’effondre. Claire va-t-elle réussir à exister sans «briller»?  Que vont devenir ses liens amicaux et amoureux fondés sur un même idéal de réussite?

Stéphanie Dupays dépeint ici une ascension en déperdition la plus totale, une placardisation violente difficile à accepter tant sur le plan professionnel que personnel.
Pestiférée aux yeux de tous et surtout d’elle-même, Claire finit par se poser des questions, celles sur lesquelles elle aurait dû se pencher dès le départ.
En sortira-t-elle grandit ? Succombera-t-elle de nouveau à l’appel d’une vie faite de clichés ?

Ce titre sonne comme un couperet.
C’est un premier roman réussi sur le monde impitoyable du travail d’une génération sacrifiée sur l’autel d’idéaux artificiels et grotesques imposés par notre société du paraître, servi par une écriture intéressante.
Là où d’autres auraient pu s’égarer dans des longueurs à n’en plus finir, l’écrivain fait court et c’est percutant.

Belle lecture à tous !

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Ce livre fait partie de la sélection des 68 (éditions 2016), challenge auquel je participe.

« La compétition s’est déplacée de l’excellence scolaire à l’habileté sociale. »

« Un couple envié qui s’est inventé une vie, et les personnages qui vont avec. »

« Et puis (se) mentir… Mon job est formidable. Des mots bien comme il faut. »

« Un monde où la langue n’a plus d’importance, où toute l’activité est orientée vers le présent et l’opérationnel. »

« Céder sur les mots, c’est céder sur les choses. »

« Depuis qu’elle se sent en échec, Claire a besoin de s’évader du petit cercle des perfectionnistes, des infaillibles, des trop sûrs d’eux. »

« Comment réagir face à quelqu’un qui n’offre aucune résistance ? L’affrontement n’en est que plus violent car il est nié, il n’a pas le droit de cité. »

« Comment s’y retrouver quand les mots ont perdu tout leur sens ? »

« Dans le couple comme dans l’entreprise, il faut se vendre et se présenter sous son meilleur jour. »

« Se souvient-elle d’elle au-delà de l’image idéal qu’ils projettent aux yeux d’autrui ? »

« La plupart des couples n’existent que par l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes. »

« Sortir du jeu social »

« Des clones, de purs produits d’une usine à rêves »

Editions Mercure de France

NDLR. Troisième lu de la sélection du Challenge 68 édition 2016 !

68 premières fois édition 2016 L'insatiable Charlotte

« En attendant Bojangles » d’Olivier Bourdeaut…

C’est un premier roman qui fait beaucoup parler de lui depuis la rentrée littéraire hivernale.
Nouvel écrivain, petite maison d’édition du Sud-Ouest…

Note de l’éditeur :

Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur «Mr. Bojangles» de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis.
Celle qui donne le ton, qui mène le bal, c’est la mère, feu follet imprévisible et extravagant. C’est elle qui a adopté le quatrième membre de la famille, Mademoiselle Superfétatoire, un grand oiseau exotique qui déambule dans l’appartement. C’est elle qui n’a de cesse de les entraîner dans un tourbillon de poésie et de chimères.
Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l’inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte.
L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom.

Ce livre nous fait passer du rire aux larmes grâce à une écriture d’une belle sensibilité.
C’est une ode à l’originalité, à la fantaisie (codes inversés, jeux de mots…), à l’Amour, à une forme de vie.

« Certains ne deviennent jamais fous…
Leurs vies doivent être bien ennuyeuses »
(Charles Bukowski)

« Ceci est mon histoire vraie, avec des mensonges à l’endroit,
à l’envers,
parce que la vie c’est souvent comme ça »

Un livre agréable et efficace ?
Oui, assurément. Impossible de le nier.
On passe un joli moment.

Original ?
Je vais certainement m’attirer les foudres de certains mais sincèrement, non.
Malgré la poésie qui s’en dégage, il y a une certaine similitude dans l’atmosphère à relever : Olivier Bourdeaut n’aurait-il pas eu pour voisins une certaine Famille Jardin et Boris Vian ?

A mes yeux ce n’est donc pas LE roman de l’année mais belle lecture à tous, ne serait-ce que pour le plaisir tout simple de se faire du bien quoi qu’il en soit !

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Editions Finitude

NDLR. Deuxième lu de la sélection du Challenge 68 édition 2016 !

68 premières fois édition 2016 L'insatiable Charlotte

« Le chagrin des vivants » de Anna Hope…


Hier paraissait en France aux éditions Gallimard le premier roman de Anna Hope : « Le chagrin des vivants » (« Wake » dans son pays d’origine qui est le Royaume Uni).

A cette occasion, la prestigieuse maison littéraire organisait une rencontre avec l’écrivain en partenariat avec Babelio et Lecteurs.com.

J’ai eu la chance d’être sélectionnée et j’étais donc présente à cette fin de journée/début de soirée fort réussie et vraiment très intéressante !

Anna Hope s’est très sympathiquement prêtée aux jeux des questions/réponses et elle a su nous captiver, nous expliquer le pourquoi du comment.

Ce livre nous propose de revenir sur un triste évènement, l’attente de la cérémonie du soldat inconnu qui marquait à sa manière la fin officielle de la Première Guerre Mondiale, à travers trois portraits de femmes.

« Dehors, la pluie tombe sans bruit, les feuilles en décomposition amortissant sa chute. Ada, allongée, les yeux ouverts, pense à son fils. A l’endroit indéterminé où il gît en France et si là-bas il pleut. »

« Alors que le silence s’étire, quelque chose devient manifeste. Il n’est pas là. Son fils n’est pas à l’intérieur de cette boîte. Et pourtant elle n’est pas vide. Elle est pleine d’un chagrin retentissant : le chagrin des vivants. Mais son fils n’est pas là. »

Au-delà de l’écriture qui est remarquable (excellente traduction il faut le noter), les pages trouvent leur rythme dans la temporalité (l’histoire se situe du 7 au 11 novembre 1920) et dans les personnages (trois histoires se font écho).
Si au départ j’avoue avoir eu un peu de mal à me plonger dedans, une fois ancrée je ne l’ai pas lâché !

C’est en effet un premier roman dense, intense (elle a mis trois années à l’écrire), nécessaire par son sujet que nous offre Anna Hope.
L’atmosphère de l’époque est parfaitement décrite, sans que l’on soit abreuvé de documentations historiques. We can smell it!

Alors comment un auteur qui n’a pas vécu un tel drame peut-elle réussir cela ?

C’est une des questions que nous lui avons posé hier : elle a baigné dedans indirectement grâce à son père, féru d’Histoire.
Voilà donc d’où lui vient l’essence de cette magnifique résilience collective.

Ce livre n’est pas triste. Il montre comment les femmes ont fait pour rester vivantes, pour essayer d’accepter, pour (ré)apprendre à vivre.

Lors des échanges, Anna Hope a reconnu son intérêt particulier pour Virginia Woolf, Michael Cunningham (« The hours ») que l’on peut déceler à la lecture.
Au passage pour celles et ceux qui ne le savent pas, avant d’écrire elle jouait (série « Docteur Who » notamment). On ressent bien, dès le début et elle nous l’a confirmé, qu’elle avait imaginé les trois personnages comme on distribue des rôles.

L’écrivain nous a confié que son second roman paraîtra en Angleterre dans trois semaines.
Il se déroulera dans un asile où son arrière-arrière-grand-père est mort et et où se trouvait une salle de bal sublime…

Encore un GRAND MERCI à Gallimard et à Lecteurs sans qui je serais sans doute passée à côté d’un beau et bluffant premier roman.

Belle lecture à tous !