« Même les monstres » de Thierry Illouz…

{Lu en novembre 2018… J’essaie de combler mon retard !}

Un homme « enfant des cités », devenu Avocat.
Un défenseur de criminels, qui « a compris les faiblesses ».

Sont-ils vraiment des monstres pour autant ?

Thierry Illouz nous interroge sur les destinées de notre société, sur ce qu’elles engendrent, sur les limites de notre système judiciaire.

Les mots de Victor Hugo, au début du livre, raisonnent comme un triste rappel :

« Démontez-moi cette vieille échelle boiteuse
des crimes et des peines, et refaites-la.

Refaites votre pénalité, refaites vos codes,
refaites vos prisons, refaites vos juges » 

Un appel pour regarder l’Autre différemment.
Un homme profondément tolérant, ouvert d’esprit, humain.

Belle lecture (nécessaire et indispensable) à tous !

Le 19 novembre dernier, Charles Berling a été la voix de l’auteur au Théâtre Antoine.  J’ai eu la chance d’y assister. C’était beau.

Note de l’éditeur (L’Iconoclaste) :

« Comment pouvez-vous défendre tous ces crimes ? lui demande- t-on souvent. À cela il répond que jamais il ne défend des crimes, mais des hommes.

DE LA CITÉ À LA COUR D’ASSISES

Sa robe d’avocat est posée sur le dossier d’une chaise. Il la regarde du coin de l’œil. Lorsqu’il l’enfile, il n’est plus le même. Sa voix ne tremble pas. Il ne doute jamais. Lui, l’enfant d’un quartier délaissé, le fils de rapatriés d’Algérie. Il se souvient de ses grands-parents ravagés par leur départ et leur installation dans une cité picarde. Lorsque c’étaient eux que l’on désignait comme différents, et donc monstrueux. C’est cette histoire intime qu’il convoque lorsqu’il est confronté à ses clients. Des criminels. Des monstres, comme on les appelle. Parce que défendre, ce n’est pas excuser, mais chercher à comprendre.

UN GRAND RÉCIT SOCIAL

Comment pouvez-vous défendre tous ces crimes ? lui demande- t-on souvent. À cela il répond que jamais il ne défend des crimes, mais des hommes. Seulement des hommes. Ils ont des visages, des histoires, des luttes, des blessures. Et parce qu’il a côtoyé la misère sociale, il le sait, le comprend. Défendre ces gens-là, se « coller à leur souffrance », c’est aussi et surtout défendre l’humanité en chacun. Et guérir ses propres failles.

UNE VIBRANTE PLAIDOIRIE

D’une écriture à l’oralité saisissante, Thierry Illouz livre un récit intime. Il retrace un parcours, une vocation. Et nous exhorte à regarder l’autre. Celui qui nous effraie. Celui que l’on condamne. »

« Les grandes plaidoiries des ténors du barreau » : du livre de Matthieu Aron à la pièce « Plaidoiries » au Théâtre Antoine (Paris)…

Ex-étudiante en Droit, avec une forte accointance pour le Droit Pénal ET la Procédure Pénale, cette pièce et ce livre étaient pour moi ! 

Concernant la pièce de théâtre : 

Une mise en scène, une scénographie, un jeu de lumière et une musique servant admirablement les plaidoiries choisies parmi les cinquante proposées par Matthieu Aron…

Un comédien (Richard Berry au sommet de son art) qui ne fait plus qu’un avec les ténors du barreau une fois la robe enfilée…

Une mise en exergue des mots à travers des énigmes et des crimes, des sujets de société, des pans de l’Histoire à jamais gravés dans nos mémoires…

Cette pièce est en tout point une réussite et a une résonance forte face à la période assez troublée que nous traversons partout dans le monde.

Je vous la recommande vivement !

Concernant le livre : 

Et pour les amoureux de cette  éloquence merveilleuse qui tend malheureusement à disparaître si ce n’est dans les prétoires, je vous incite à prolonger ces envolées en lisant donc le livre qui a inspiré la pièce et qui me fait passer des instants de lecture passionnants qui nourrissent la juriste littéraire que je suis.

« La mésange et l’ogresse » d’Harold Cobert…

Ai-je besoin de rappeler ici les faits de l’Affaire Fourniret ?
Pédophile et meurtrier tristement notoire, dont la femme a cautionné (voire plus et c’est une hypothèse de l’écrivain que j’ai trouvée extrêmement intéressante) les actes immondes.

Dans ce livre, Harold Cobert s’empare donc de ce qui a fait et qui fait de ce couple des monstres en la matière.
Même si je connaissais en substance les détails, la lecture m’a fait froid dans le dos.
L’auteur, parfaitement documenté, a le don pour installer l’atmosphère, les personnages « en se glissant dans leurs peaux » en parallèle d’une construction tout aussi épatante (parce qu’originale) qu’effrayante, à la limite du supportable.

Oui, certaines pages m’ont retourné la tronche (je vous le dis comme je le pense).
J’étais souvent au bord de l’écoeurement tellement c’est parfaitement décrit, disséqué.

Ce triangle à huis clos est brillamment étouffant.
Il questionne, tant au niveau psychologique que sociétal, politique, juridique et judiciaire.

Ou comment réussir à ne pas pouvoir s’empêcher de lire une histoire vraie des plus sordides dont les portraits sont terriblement bien brossés et ce malgré l’horreur de la situation, des situations.
Question qui en découle : cela fait-il de nous des lecteurs pervers ?
Vous avez 4h…

Editions Points

Je remercie vivement mon amie Nathalie du blog Eirenamg qui n’a de cesse de défendre cet auteur (« caméléon » selon ses mots) qui le mérite.
Ces pages m’ont donné envie de découvrir ses autres livres !