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  • « Portraits et impressions de voyage » de Truman Capote…

    « Portraits et impressions de voyage » de Truman Capote…

    De Truman Capote j’avais déjà lu « De sang-froid » (je ne tenais pas encore de blog à cette époque) paru en 1965. Roman de non-fiction (on parle désormais de « true crime ») qui avait eu pour origine un sinistre fait divers (deux jeunes truands avaient tué sans mobile apparent quatre membres de la famille  d’un fermier à Holcomb au Texas), ce dernier fit de lui un écrivain  légendaire devenu tellement mondain qu’il marqua aussi sa déchéance.
    Est passé également entre mes mains « Breakfast at Tiffany’s » of course qui ne m’a pas laissé un souvenir impérissable je dois avouer…

    Le Reading Classics Challenge du mois de mars m’a fait choisir ce recueil, beaucoup moins connu.

    La première partie dresse les portraits de différentes célébrités (peintres, acteurs, photographes et autres…).
    La deuxième, trop courte (je suis restée sur ma faim), sont des impressions de voyage que l’écrivain a effectué entre Brindisi et les îles yougoslaves.

    Si sur le fond on peut trouver à redire, la forme est servie par une excellente traduction de Nicole Tisserand qui met en lumière une plume humoristique, cynique à souhait et trucculente !

    Note de l’éditeur (Gallimard) :

    « Outre ses impressions d’un voyage effectué en 1966 entre Brindisi et les îles yougoslaves, avec une escale dans la ville de Dubrovnik et une ironique divagation sur les femmes, ce sont ici des portraits de célébrités que nous livre Truman Capote. Ainsi John Huston, Charlie Chaplin, Pablo Picasso, notamment, sont-ils brièvement campés par sa plume brillante, parfois caustique, mais toujours comique. À Elizabeth Taylor et Tennessee Williams, cependant, Truman Capote réserve presque un court récit, qui est l’histoire de ses rencontres avec chacun d’eux, échelonnées sur plusieurs années de sa vie – près de vingt ans pour l’actrice américaine qui se présente ici sous un jour inattendu, près de cinquante ans pour l’auteur dramatique qu’il connaît depuis l’âge de seize ans. La verve, la drôlerie, le disputent alors à l’attendrissement et à l’amitié. »

  • « En camping-car » d’Ivan Jablonka…

    « En camping-car » d’Ivan Jablonka…

    A un moment, il y a bien des années, j’en rêvais.
    Souhait sans aucun doute conditionné par celui qu’avait ma Barbie… 

    Journal de souvenirs en camping-car, modèle de toute une époque et génération, ces instantanés de voyages des plus personnels ont été d’un ennui mortel me concernant.
    Si je n’avais pas pris mon rôle de jurée à coeur j’avoue que le livre me serait tombé des mains !

    Un bla-bla qui n’apporte vraiment franchement pas grand chose (ni à la littérature, ni aux lecteurs), une judaïcité mise en avant de manière gênante (pour quoi exactement ?)…

    Au final un road book à la recherche de la liberté, du bonheur à caractère pseudo-social malheureusement totalement inutile, suffisant qui plus est et d’une superficialité affligeante.
    En tout cas à mes yeux.

    Tous les goûts étant dans la nature, je serais curieuse de savoir ce que vous en avez pensé le cas échéant…

    Note de l’éditeur (Seuil) :

    Le camping-car nous a emmenés au Portugal, en Grèce, au Maroc, à Tolède, à Venise. Il était pratique, génialement conçu. Il m’a appris à être libre, tout en restant fidèle aux chemins de l’exil. Par la suite, j’ai toujours gardé une tendresse pour les voyages de mon enfance, pour cette vie bringuebalante et émerveillée, sans horaires ni impératifs. La vie en camping-car.

    Livre lu dans le cadre du Jury du Grand Prix des Lectrices ELLE 2018 dont je fais partie !

  • “Les bouées jaunes” de Serge Toubiana…

    “Les bouées jaunes” de Serge Toubiana…

    “Ecrire pour être à ses côtés
    et prolonger le bonheur d’avoir vécu auprès d’elle.
    Ecrire pour combler le vide, l’absence.
    Pour raconter le film de sa vie.
    Et faire en sorte qu’il ne soit jamais interrompu.”

    Cet homme m’avait émue jusqu’aux larmes lors de la présentation de “L’hiver Littéraire des Editions Stock”  le 23 janvier dernier.
    Il me tardait de me plonger dans ses lignes.

    Se souvenir…
    Se raccrocher à ce que l’on peut…
    La voir ainsi revenir…
    La sentir vivante….
    Ce besoin viscéral, encore et pour toujours.

    Comment vivre l’absence ?
    Comment vivre sans son grand Amour ?

    Elle c’est Emmanuèle Bernheim, romancière, essayiste et scénariste.
    Lui c’est Serge Toubiana, journaliste et critique de cinéma.

    Le Cinéma donc.
    L’Art aussi.
    Et la Littérature, qui les réunit désormais à jamais.

    Le portrait d’une femme remarquable se dégage, à tous points de vue.
    Une femme que l’on aurait aimé connaître et que l’on a envie de découvrir par les écrits qu’elle a laissés.

    Un livre d’une élégance folle. A la fois digne, émouvant et bouleversant.
    Le livre d’un homme qui a aimé une femme. Eperdument.

    Et une transmission précieuse : “Profiter de tout, jusqu’au dernier instant.”

    Très belle lecture à tous !

    Note de l’éditeur (Stock) :

    “Durant les derniers mois de sa vie, un thème motivait secrètement Emmanuèle, dont elle me parlait à peine. C’était trop intime, difficilement formulable, même entre nous. Un jour, elle me dit qu’elle désirait écrire sur le bonheur. J’ignore ce qu’aurait été ce livre et je donnerai cher pour le savoir. Cette question du bonheur la hantait, elle la plaçait au coeur de tout. Le simple fait de poser la question prouvait sa force de caractère et son incroyable sérénité. J’en étais bouleversé. “Et toi, tu vas tenir ?” Un homme écrit sur la femme qu’il a aimée et perdue. Emmanuèle Bernheim était un grand écrivain. Serge Toubiana raconte leurs vingt-huit ans de vie commune, dans un texte où la sobriété le dispute à l’émotion.”

  • « Les passeurs de livres de Daraya » de Delphine Minoui…

    « Les passeurs de livres de Daraya » de Delphine Minoui…

    Ou comment voir la guerre, la Syrie autrement…

    « comment rendre visible l’invisible »

    Grâce à Skype, WhatsApp et à des mails la grand reporter du Figaro communique depuis Istanbul avec des activistes insoumis de Daraya, ville située à 7 Km de Damas et en proie à  la furie meurtrière du régime de Bachar el-Assad.
    Elle sera détruite à plus de 90%.

    « Le roman a cet avantage que les récits n’ont pas : il s’aventure sur les chemins de l’imagination, en contournant l’autoroute du réel »

    Ce document est un témoignage poignant d’une guerre in situ, un véritable hymne à la Liberté.
    La résistance par la Culture. La Littérature contre les bombes.
    Le symbole d’une lutte qui j’espère finira par cesser un jour…

    « pour ne pas sombrer, chacun s’invente des mécanismes de survie »

    C’est une lecture terriblement fascinante que nous propose ici Delphine Minoui.
    Aussi dure qu’optimiste, qui prend aux tripes.

    « Ecrire, c’est recoller des bouts de vérité pour faire entendre l’absurdité »

    Les lignes vous hanteront une fois le livre refermé.
    Il fait indéniablement partie des ouvrages qui marquent et resteront dans les mémoires.

    Editions Seuil

    De 2012 à 2016, la banlieue rebelle de Daraya a subi un siège implacable imposé par Damas. Quatre années de descente aux enfers, rythmées par les bombardements au baril d’explosifs, les attaques au gaz chimique, la soumission par la faim. Face à la violence du régime de Bachar al-Assad, une quarantaine de jeunes révolutionnaires syriens a fait le pari insolite d’exhumer des milliers d’ouvrages ensevelis sous les ruines pour les rassembler dans une bibliothèque clandestine, calfeutrée dans un sous-sol de la ville.

    NDLR. J’ai lu ce livre avant de savoir qu’il serait sélectionné dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE 2018 dont je fais partie !

  • « 10 jours dans un asile » de Nellie Bly…

    « 10 jours dans un asile » de Nellie Bly…

    Après ma lecture de son tour du monde en 72 jours, j’avais une envie folle de me plonger dans un autre de ses récits.

    Une fois encore nous avons affaire à du journalisme infiltré, en l’espèce dans un asile.

    L’écrivain, toujours très  déterminée, n’hésite pas un seul instant malgré quelques appréhensions légitimes à se faire passer pour folle dans le but de se faire interner afin de pouvoir parler des conditions d’enfermement.
    Et elle ne sera pas déçue par ce qu’elle va découvrir…

    « Nous n’attendons rien de sensationnel, mais un récit honnête des faits »

    « Il est facile d’y entrer mais une fois à l’intérieur, impossible d’en sortir »

    « Plus je parlais et me comportait normalement,
    plus les médecins étaient convaincus de ma folie »

    L’enquête des plus détaillée s’avèrera tellement honteusement factuelle (bain glacé, brimades, insultes, excès de pouvoir en tout genre, coups, nourriture exécrable, punitions, privations de sorties…) qu’elle engendrera des réformes importantes au niveau de la politique en matière de santé du pays.

    Cette investigation est suivie de deux autres : une concerne les bureaux de placement et l’autre une usine.
    Toutes aussi édifiantes…

    Replacez-vous dans le contexte de l’époque et vous comprendrez pourquoi Nellie Bly a été une pionnière dans l’émancipation des femmes.

    Belle lecture à tous !

    Editions Points

    Engagée en 1887 au journal New York World du célèbre Joseph Pulitzer, Nellie Bly se voit confier une mission pour le moins singulière : se faire passer pour folle et intégrer un asile, le Blackwell’s Island Hopital à New York. Intrépide, courageuse et soucieuse de dénoncer les conditions de vie des laissées-pour-compte, elle accepte le défi et endosse le rôle. Elles reste dix jours dans l’établissement et en tire un brûlot.

  • « Même Dieu ne veut pas s’en mêler » d’Annick Kayitesi-Jozan…

    « Même Dieu ne veut pas s’en mêler » d’Annick Kayitesi-Jozan…

    Note de l’édieur :

    En kinyarwanda, « au-revoir »se dit : « Prends soin de survivre à la journée ».

    Annick Kayitesi-Jozan a survécu au génocide des Tutsis en 1994, au Rwanda. Elle avait 14 ans. Sa mère, son petit frère, une grande partie de sa famille ont été massacrés. Réfugiée en France, elle apprend au qutodien à vivre avec les morts, et avec les siens. Désormais, elle doit répondre aux questions de ses enfants. Alors, elle se souvient. Elle remonte le temps jusqu’à la cuisine pleine de suie où, pendant les tueries, elle sert de bonne aux voisins qui viennent de dénoncer sa mère.

    Sans remettre en cause ce que l’auteur a vécu, ce témoignage m’a laissée malheureusement complètement de marbre pour deux raisons principales :

    1-  je n’ai rien appris de plus sur le sujet
    2 – j’ai trouvé l’écriture très pauvre (beaucoup trop de bla-bla, doublé en plus d’un pathos insupportable à mon goût) et la construction brouillon

    Ce fût donc pour moi une lecture complètement inutile (toutes mes excuses), mais à vous de juger !

    Editions Seuil

    Livre lu dans le cadre du Jury du Grand Prix des Lectrices ELLE 2018 dont je fais partie !

  • « De l’ardeur » de Justine Augier…

    « De l’ardeur » de Justine Augier…

    Cet essai est un gros coup de cœur !
    Je l’ai trouvé non seulement intéressant mais également fort émouvant et extrêmement bien écrit.

    Ce livre est une enquête sur une femme exceptionnelle, avocate spécialisée dans la défense des prisonniers politiques, journaliste et militante des Droits de l’Homme, enlevée par des islamistes intégristes avec trois autres personnes en Syrie en 2013 et depuis portée disparue.

    La première chose que j’ai faite dès les premières lignes a été de mettre un visage sur un nom.

    Absente, d’accord. Mais j’avoue avoir eu besoin qu’elle soit humainement là face à la force des mots.

    Justine Augier, qui a mis ses pas dans ceux de ce personnage extraordinaire, a le don de nous brosser le formidable portrait, complet parce que très bien documenté, de Razan Zaitouneh (« sérénité » en arabe) et en filigrane de tout un pays plongé dans le chaos le plus profond.
    Un prénom et un nom, que nous ne sommes pas prêts d’oublier…

    Belle lecture à tous !

    Editions Actes Sud

    Avocate, militante des droits de l’homme, figure de la dissidence syrienne, Razan Zaitouneh s’appliquait à documenter les crimes commis dans son pays par le régime mais aussi par les groupes intégristes, à recueillir la parole de ceux qui avaient survécu à la torture et à l’enfermement – quand, en décembre 2013, elle fut enlevée avec trois de ses compagnons de lutte. Depuis lors, on est sans nouvelles. De l’ardeur reconstitue son portrait, recompose le puzzle éclaté de la révolution en Syrie, et du crime permanent qu’est devenu ce pays.
    En découvrant son combat et son sort, Justine Augier, qui a elle-même mis à distance ses premiers élans humanitaires, est saisie par la résonance que cet engagement aussi total qu’épris de nuances trouve dans ses propres questionnements. Récit d’une enquête et d’une obsession intime, partage d’un vertige, son livre est le lieu de cette rencontre, dans la brûlure de l’absence de Razan.
    Plongée dans l’histoire au présent, De l’ardeur nous donne un accès précieux à cette réalité insaisissable dans son assassine absurdité, et si violemment parallèle à notre confort occidental peu à peu menacé. Et ce, dans un respect absolu de la dignité du langage, dans la lucidité d’une impuissance certaine et néanmoins étrangère à toute reddition.

    Livre lu dans le cadre du Jury du Grand Prix des Lectrices ELLE 2018 dont je fais partie !

    NDLR. Ce livre a reçu le Prix Renaudot Essai 2017.

  • « Une jeunesse de Marcel Proust » d’Evelyne Bloch-Dano…

    « Une jeunesse de Marcel Proust » d’Evelyne Bloch-Dano…

    Ou comment pénétrer, d’une autre façon, dans l’univers proustien et mieux aborder les arcanes de La Recherche…

    Les tiroirs s’ouvrent, les personnages prennent vie.
    Le lecteur est invité à marcher dans les pas de ce qui fera de Marcel cet écrivain si emblématique.

    Les pages fleurent bon l’air iodé, la Littérature, la Culture, une formidable époque malheureusement révolue et franchement, cela fait un bien fou.

    Belle lecture à tous !

    Editions Stock

    Qui n’a jamais entendu parler du questionnaire de Proust ?
    Les réponses de l’écrivain ont traversé le temps et fait le tour  du monde. On a oublié qu’elles provenaient d’un album  intitulé Confessions, appartenant à Antoinette Faure, la fille  du futur président de la République.
    En participant à ce jeu de société à la mode, Marcel Proust  ne se doutait pas qu’il livrerait des indices sur l’adolescent  qu’il était. Ses réponses ont été commentées. Mais jamais  contextualisées ou comparées. Jamais datées avec exactitude.
    De Gilberte aux Champs-Élysées à la petite bande d’Albertine  et des jeunes filles en fleurs, quelles traces ont-elles laissées  dans son oeuvre ?
    Évelyne Bloch-Dano a mené l’enquête. Elle est parvenue  à identifier les autres amis de l’album d’Antoinette. C’est  alors tout un monde qui a surgi, celui des jeunes filles de la  bourgeoisie de la Belle Époque. Quelques garçons aussi. À travers leurs goûts, leurs rêves, s’est dégagé le portrait d’une  génération. Celle de Marcel Proust.

    Livre lu dans le cadre de l’opération Masse Critique de Babelio.
    MERCI à toute l’équipe.

  • « La tête et le cou » de Maureen Demidoff…

    « La tête et le cou » de Maureen Demidoff…

    La Russie dans tous ces états (injustice, Union soviétique, divorce, mariage, Staline, livres, patrie, Etat, Poutine, médias, politique, uniformité, silence, alcool, Gorbatchev, Occident, sacrifices…) et sans concession à travers 15 portraits, 15 destins de femmes -et le point de vue d’un homme !- , sur plusieurs générations.
    Des femmes qui ont tant à dire, qui parlent et que l’on écoute enfin !

    Cet essai nous aide à comprendre l’état d’esprit, l’essence russe, ce qui fait les Russes, peuple si particulier, si à part…

    Je suis ravie de l’avoir eu entre les mains.

    Belle lecture (intéressante) à tous !

    Editions des Syrtes

    Trois générations de femmes russes parlent à bâtons rompus, se confient et racontent leur pays…

    En toile de fond de leurs récits de vies ordinaires, c’est l’histoire de la Russie qui défile : l’immense Union soviétique, le chaos libéral des années 1990 et la Russie de Poutine.

    Plus concrètement, elles parlent de petites filles, de femmes et de grands-mères qui ont vécu dans différentes Russies. Et au-delà, ce sont des hommes dont elles parlent le plus, et le regard qu’elles posent sur eux, que ce soit un mari, un père, est révélateur et sans appel. Pour citer l’une d’elles : « L’homme est la tête, et la femme est le cou, la tête ne bouge que grâce au cou qui la commande. »

    Voici des portraits intimes qui révèlent des héroïnes aux vies bigarrées mais qui se ressemblent : des femmes fortes, battantes, féminines et maternelles, qui s’opposent tristement à un modèle masculin souvent trop dégradé à leurs yeux… Le mot « Amour » n’apparaissant nulle part… Leur donner la parole a semblé important à l’auteur, à cause de la place prégnante de la femme en Russie, pilier autant de la famille que de la société, et surtout parce qu’elles n’ont jamais été entendues.

    Livre lu dans le cadre du Jury du Grand Prix des Lectrices ELLE 2018 dont je fais partie !