« La mésange et l’ogresse » d’Harold Cobert…

Ai-je besoin de rappeler ici les faits de l’Affaire Fourniret ?
Pédophile et meurtrier tristement notoire, dont la femme a cautionné (voire plus et c’est une hypothèse de l’écrivain que j’ai trouvée extrêmement intéressante) les actes immondes.

Dans ce livre, Harold Cobert s’empare donc de ce qui a fait et qui fait de ce couple des monstres en la matière.
Même si je connaissais en substance les détails, la lecture m’a fait froid dans le dos.
L’auteur, parfaitement documenté, a le don pour installer l’atmosphère, les personnages « en se glissant dans leurs peaux » en parallèle d’une construction tout aussi épatante (parce qu’originale) qu’effrayante, à la limite du supportable.

Oui, certaines pages m’ont retourné la tronche (je vous le dis comme je le pense).
J’étais souvent au bord de l’écoeurement tellement c’est parfaitement décrit, disséqué.

Ce triangle à huis clos est brillamment étouffant.
Il questionne, tant au niveau psychologique que sociétal, politique, juridique et judiciaire.

Ou comment réussir à ne pas pouvoir s’empêcher de lire une histoire vraie des plus sordides dont les portraits sont terriblement bien brossés et ce malgré l’horreur de la situation, des situations.
Question qui en découle : cela fait-il de nous des lecteurs pervers ?
Vous avez 4h…

Editions Points

Je remercie vivement mon amie Nathalie du blog Eirenamg qui n’a de cesse de défendre cet auteur (« caméléon » selon ses mots) qui le mérite.
Ces pages m’ont donné envie de découvrir ses autres livres !

« Le tour du monde en 72 jours » de Nellie Bly…

Ce sont la couverture et le titre qui m’ont interpellée.
Et j’ai eu raison de faire confiance à mon nez…

Note de l’éditeur :

Défier Jules Verne et son Phileas Fogg ? C’est l’ambitieux projet de Nellie Bly et de son journal, le New York World. C’est en femme, en journaliste et en solitaire qu’elle entame cette traversée en novembre 1889, chargée d’un unique sac à main. Une première. Et en 72 jours, elle boucle cette expédition, qui est autant une ode à l’audace et à la détermination qu’une lutte pour l’émancipation des femmes.

J’avoue que je ne connaissais pas du tout Nellie Bly et lorsque je suis allée me renseigner sur elle (Wikipedia mon amour), je me suis dit que le hasard avait bien fait de la mettre sur mon chemin.
Une journaliste aventurière qui veut battre le record de Philéas Fogg, célèbre personnage de Jules Verne, reine de l’infiltration de surcroît. Il n’en fallait pas plus pour que j’apprécie le personnage que l’on pourrait croire tout droit sorti d’un roman !

« Il faut toujours croire en la réussite de son entreprise. »

Une femme habitée, déterminée, libre, drôle, qui a le sens de la répartie et qui n’a pas froid aux yeux…
Une seule robe (qu’elle porte) et un sac à mains en guise de bagage…
Des bateaux, des trains…
Sans jamais s’éloigner de son but, elle prend le temps d’observer, de visiter, de parler avec les locaux, de décrire ce qu’elle voit partout où elle passe (Southampton, Paris, Brindisi, Port Saïd, Aden, Colombo, Singapour, Hong Kong, Chine, Japon…)

« Si j’échoue, je ne remettrai jamais plus les pieds à New York (…).
Je préfèrerais encore arriver morte mais victorieuse
que vivante et en retard. »

Et nous nous prenons au jeu de manière irrésistible.
Le lecteur la suit pas à pas, bravant les tempêtes, les retards… avec elle.

Le 30 novembre 1889, le New York World (j’ai beaucoup apprécié l’insertion dans le récit de leurs brèves/articles parus au sujet du périple) résumera très bien à l’époque ce que j’ai ressenti en la lisant en 2017 :

« Elle fait voler en éclats le romantisme
en rendant la réalité plus désirable que nos rêves. »

Belle lecture à tous !
Et à bientôt pour le billet sur un autre de ses livres : « 10 jours dans un asile » qui est en commande chez mon libraire…

Editions Points

« La salle de bal » d’Anna Hope…

Anna Hope, je l’ai découverte en janvier 2016 lorsque les Editions Gallimard collection « Du monde entier » a fait paraître son premier roman « Le chagrin des vivants » en langue française.

Cette année, la maison sort « La salle de bal » (titre original : « The Ballroom » ), que je me suis empressée de m’offrir tellement je m’étais régalée avec son précédent livre.

Note de l’éditeur :

Lors de l’hiver 1911, l’asile d’aliénés de Sharston, dans le Yorkshire, accueille une nouvelle pensionnaire : Ella, qui a brisé une vitre de la filature dans laquelle elle travaillait depuis l’enfance. Si elle espère d’abord être rapidement libérée, elle finit par s’habituer à la routine de l’institution. Hommes et femmes travaillent et vivent chacun de leur côté : les hommes cultivent la terre tandis que les femmes accomplissent leurs tâches à l’intérieur. Ils sont néanmoins réunis chaque vendredi dans une somptueuse salle de bal. Ella y retrouvera John, un «mélancolique irlandais». Tous deux danseront, toujours plus fébriles et plus épris.
À la tête de l’orchestre, le docteur Fuller observe ses patients valser. Séduit par l’eugénisme et par le projet de loi sur le Contrôle des faibles d’esprit, Fuller a de grands projets pour guérir les malades. Projets qui pourraient avoir des conséquences désastreuses pour Ella et John.
Après Le chagrin des vivants, Anna Hope parvient de nouveau à transformer une réalité historique méconnue en un roman subtil et puissant, entraînant le lecteur dans une ronde passionnée et dangereuse.

Nous voici donc immergés dans un asile cette fois, en 1911 en Irlande.
Pour ce livre, l’écrivain s’est inspirée de son arrière-arrière-grand-père.

Roman à trois voix (l’auteur affectionne visiblement ce type de construction dans ses écrits, ce qui apporte un rythme non négligeable au récit), c’est autant une intrigue romantique qu’un roman social sur fond de réalité historique si chère à sa plume.

Anna Hope revient en effet sur un épisode méconnu de l’histoire anglaise, à savoir la politique eugénique dans les asiles et égratigne au passage Churchill comme il se doit.

Les sujets abordés sont vastes : l’internement, la procréation, la fausse humanité, la liberté…

L’atmosphère de l’époque est palpable et admirablement décrite. Comme dans son premier roman, nous pouvons la sentir à chaque page.
On imagine une fois encore très bien le temps que l’écrivain a dû passer à se documenter, sans toutefois avoir cette sensation d’être abreuvé, noyé dans tous les détails inutiles au lecteur.
C’est assurément un des (nombreux) dons d’Anna Hope au-delà de tout ce que je viens de vous dire : elle a décidément le chic pour s’accaparer l’Histoire (volontairement ?) oubliée et nous faire ainsi (re)vivre des moments -tragiques- comme peu savent le faire.

Belle lecture à tous !

NDLR. A noter l’excellente traduction d’Elodie Leplat (comme pour son premier roman).

Editions Gallimard

NDLR. J’ai lu ce livre avant de savoir qu’il serait sélectionné dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE 2018 dont je fais partie !

« Un certain Monsieur Piekielny » de François-Henri Désérable…

Note de l’éditeur :

«Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny… »
Quand il fit la promesse à ce M. Piekielny, son voisin, qui ressemblait à « une souris triste », Roman Kacew était enfant. Devenu adulte, résistant, diplomate, écrivain sous le nom de Romain Gary, il s’en est toujours acquitté : « Des estrades de l’ONU à l’Ambassade de Londres, du Palais Fédéral de Berne à l’Élysée, devant Charles de Gaulle et Vichinsky, devant les hauts dignitaires et les bâtisseurs pour mille ans, je n’ai jamais manqué de mentionner l’existence du petit homme », raconte-t-il dans La promesse de l’aube, son autobiographie romancée.
Un jour de mai, des hasards m’ont jeté devant le n° 16 de la rue Grande-Pohulanka. J’ai décidé, ce jour-là, de partir à la recherche d’un certain M. Piekielny.»

Ou comment la force d’une phrase, au départ anodine, nous plonge avec une force incroyable dans tout ce qu’a été Romain Gary !

Si au départ cet étrange et mystérieux Monsieur Piekielny m’a décontenancée, il s’est bonifié au fur et à mesure des pages et j’ai pris un malin plaisir à savoir lire entre les lignes.

Des rencontres imaginaires, un ton ironique et humoristique totalement irrésistible, mais aussi un sublime éloge des mères…

En littérature, j’aime être surprise, bousculée et lire des livres qui sortent des sentiers battus.
Désérable devient donc mon héros avec cette enquête « littéraire », cette quête identitaire des plus minutieuses, méticuleuses.
C’est une délicieuse balade, certes cousue de fil blanc au final mais rondement menée que je vous recommande vivement !

Editions Gallimard

Livre lu dans le cadre du Jury du Grand Prix des Lectrices ELLE 2018 dont je fais partie !

« Gabriële » d’Anne & Claire Berest…

Note de l’éditeur :

« Septembre 1908. Gabriële Buffet, femme de 27 ans, indépendante, musicienne, féministe avant l’heure, rencontre Francis Picabia, jeune peintre à succès et à la réputation sulfureuse. Il avait besoin d’un renouveau dans son œuvre, elle est prête à briser les carcans : insuffler, faire réfléchir, théoriser. Elle devient «  la femme au cerveau érotique  » qui met tous les hommes à genoux, dont Marcel Duchamp et Guillaume Apollinaire. Entre Paris, New York, Berlin, Zürich, Barcelone, Étival et Saint-Tropez, Gabriële guide les précurseurs de l’art abstrait, des futuristes, des Dada, toujours à la pointe des avancées artistiques. »

Ce livre est un sublime coup de pinceau doublé d’une note de musique subtile qui met en lumière une muse et une compagne exceptionnelle.

C’est le portrait d’une femme libre (mais la condition de celle-ci est évoquée sans concession) dans le Paris artistique fin XIXe / XXe comme je les aime, dont le trait est aussi fin et piquant qu’élégant.

Les soeurs Berest (arrière-petites-filles de Gabriële) nous font comme la conversation, nous conte l’histoire, en s’apostrophant.
J’ai particulièrement apprécié cette façon de faire que j’ai trouvé des plus intéressantes : cela plonge le lecteur dans l’intimité du couple et de tous ceux qui l’entourent.

Au final, nous avons entre les mains un magnifique tableau vivant, que je vous recommande vivement !

Editions Stock

Livre lu dans le cadre du Jury du Grand Prix des Lectrices ELLE 2018 dont je fais partie !