« Le pouvoir d’une femme »

Article écrit par Anne Sinclair, Directrice éditoriale du Huffington Post
Publication : 05/09/2012

« En Amérique, il est à la fois immense et limité.

Dans la valse-hésitation permanente entre l’image de la femme d’action, en tailleur strict mais accompagné de talons aiguilles, sexy et efficace au bureau, et celle sachant faire les cookies, les cartables, arroser le jardin et accompagner les enfants aux matchs de base ball, les Américaines n’ont pas vraiment choisi. Et en tentant de concilier les deux elles me rappellent un peu les débats que nous avions en France dans les années 80 sur les « superwomen« , celles qui additionnent les vies au risque du déséquilibre.

Nous avons bougé, appris à jongler avec plus ou moins de bonheur. Appris qu’on ne peut pas tout réussir de front, travail, maternité, couple et vie sexuelle. Appris à accepter que nous n’étions pas parfaites.

Or les Américaines rêvent encore à cette femme idéale. Et Ann Romney puis Michelle Obama ont essayé chacune d’en donner une idée.

Ann Romney a parlé d’amour et a joué sur le registre de la femme traditionnelle, bonne mère, bonne épouse, et pâmée d’admiration devant son héros de mari.
On s’en est gentiment moqué, mais pour être honnête, il faut reconnaître que le discours – époustouflant, il est vrai, de Michelle Obama – s’est placé aussi sur ce même terrain du ‘mon mari est exceptionnel, il est encore mieux avec 4 ans de plus’. « Pour moi, il est toujours celui qui m’a draguée le premier soir avec une voiture dont le plancher pourri laissait voir la chaussée, sa table préférée a été récupérée dans une benne à ordure, et sa seule paire de chaussures convenable était d’une demi-taille trop petite…« . Effet garanti.

Mais ce n’était pas ridicule, ni trop à l’eau de rose car il s’agit de Michelle Obama, qu’elle est une star. Je l’ai croisée une fois, dans les ors de Buckingham Palace, lors d’un des premiers G20 de Barack Obama, et son entrée dans la salle déplaçait insensiblement l’air. Elle occupe l’espace, elle est très grande, sculpturale, et douce à la fois. Elle donne l’impression comme seules les grandes professionnelles américaines savent le faire, que votre personne et votre avis l’intéressent, que vous êtes soudain, dans la pièce, la personne la plus importante pour elle.

C’est pour cela que depuis quatre ans elle galvanise les foules. C’est pour cela qu’hier soir, elle a enthousiasmé la Convention, laissé sans voix les commentateurs même les plus facilement ironiques : comme ceux de Fox News, généralement cruels – ils se rattraperont sur le discours de Barack Obama ! – ou comme Rachel Maddow, la percutante éditorialiste de MSNBC qui ne savait dire que des « oh my god… » d’admiration.

Elle était belle, très belle avec sa robe rose et or, et ses beaux bras musclés qu’elle porte avec élégance. Elle est intelligente, très intelligente, ayant compris que son pouvoir était plus grand en s’emparant d’une cause nationale, à la fois politique et familiale, l’obésité, qui touche une famille américaine sur trois, qu’en essayant de rivaliser avec son mari sur les dossiers proprement politiques comme avait tenté de le faire Hillary Clinton. Elle a du charisme, de l’humour et de la force de conviction.

Et si Ann Romney qui n’avait pour but que d’humaniser son milliardaire pisse-froid de mari, et qu’elle y a réussi, Michelle avait une tâche plus délicate : faire revivre le rêve Obama, celui qui secoua les foules en 2008 et qui s’est étiolé inévitablement devant l’exercice du pouvoir et la plus grave crise économique connue par le monde occidental depuis 1929.

Un discours ne suffira pas. L’effet des Conventions est de plus en plus éphémère. Et l’espoir fou d’un monde meilleur qui fit la magie Obama de 2008 s’est évanoui avec la crise.

Même si la Convention et les commentateurs séduits lui ont fait un triomphe, un discours d’amour au peuple américain qu’elle connaît bien après quatre ans de Maison Blanche et de voyages et meetings à travers le pays, ne suffira pas. Il va falloir jeudi à Obama beaucoup plus de promesses et d’engagements pour que les électeurs croient que l’Amérique vue par Michelle est leur Amérique à eux.

Le pouvoir des femmes est décidément immense mais limité. »

Qui décrochera le Prix Goncourt 2012 ?

Ci-dessous la pré-sélection de l’Académie, qui vient de tomber.

Il est à noter qu’Olivier Adam, « Prix Goncourt annoncé » à l’occasion de cette rentrée littéraire ne fait même pas partie de la première sélection !
En France, certains n’apprécient pas le succès critique médiatique d’autres…

Vassilis Alexakis, L’enfant grec (Stock)
Gwenaëlle Aubry, Partages (Mercure de France)
Thierry Beinstingel, Ils désertent (Fayard)
Serge Bramly Orchidée fixe (JC Lattes)
Patrick Deville, Peste et choléra (Seuil)
Joël Dicker, La vérité sur l’affaire Harry Québert (Fallois)
Mathias Enard, Rue des voleurs (Actes Sud)
Jérôme Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome (Actes Sud)
Gaspard-Marie Janvier, Quel Trésor! (Fayard)
Linda Lê, Lame de fond (Bourgois)
Tierno Monenembo, Le terroriste noir (Seuil)
Joy Sorman, Comme une bête (Gallimard)

Nouvelle réunion le 2 octobre puis le 30 octobre prochains pour la liste ultime.
Le Saint Graal littéraire est attendu le 7 novembre !

En attendant, je retourne me plonger dans ces (d’ores et déjà) fameuses « Lisières »…