« Paris sur l’avenir » de Nathaniel Rich…

New York, dans un futur proche. La vie de Mitchell Zukor mathématicien surdoué mais solitaire va basculer le jour de sa rencontre avec Charnoble, représentant de « FutureWorld », société futuriste dont le siège est un bureau vide de l’Empire State Building. Le poste que ce dernier lui propose va pouvoir révéler son génie concernant le calcul des pires scénarios possibles qui peuvent arriver et dont les prospectives sont vendues aux sociétés clientes afin de les indemniser contre toutes catastrophes futures.
Un jour, la pire de ses prophéties se révèle exacte…

La base de l’histoire est originale : c’est un mélange de réalité et de fiction qui aurait pu être intéressant mais cela traîne en longueur à mon goût (j’ai trouvé la partie « Le Futuriste » bien trop redondante) et aucun des personnages a réussi à me séduire (ni le héros Mitchell dont la dérive sera à la hauteur de son génie, ni Jane l’ambitieuse qui deviendra une amie au fil du temps et qui créera sa propre société protectrice en se servant de lui, ni la mystérieuse Elsa -son dernier contact avec la réalité- dont le coeur peut s’arrêter de battre à tout moment).

Je suis qualifiée de « littéraire » depuis mes plus tendres années, donc pas du tout une « scientifique » dans l’âme. Les probabilités, les statistiques, les algorithmes, les formules et autres formes du genre, même si cela flirte avec la philosophie du désastre, ne me font pas rêver du tout.
Est-ce la raison pour laquelle je me suis profondément ennuyée ?

Ce n’est malheureusement pas un premier roman que je défendrai…

Editions du Sous-sol

NDLR. Cette chronique a été rédigée pour Lecteurs.com, en tant qu’Explorateur de la rentrée littéraire.

« Je m’appelle Blue » de Solomonica de Winter…

Ce livre est un ovni. Purement et « simplement » !

Mais comment peut-on écrire en étant doué d’une telle maturité dans les prémisses de la fleur de l’âge ?!

Solomonica de Winter serait-elle un extra-terrestre ?
Après un petit passage sur Wikipedia, elle existe bel et bien.
« Je m’appelle Blue » (j’aime particulièrement son titre original « Over the rainbow ») est son premier roman.
Elle a 18 ans. Mais elle a écrit son manuscrit à 16 !
16 ans…
Serait-elle donc un petit prodige ? A mes yeux c’est quelqu’un dont nous reparlerons, j’en suis certaine.

Blue… Ou comment se retrouver dans la tête d’une adolescente de 13 ans silencieuse (suite à un choc émotionnel) qui écrit au médecin qui la suit une histoire des plus dingues à travers ses souvenirs.
Mais quelle est donc leur part de réalité ? de fiction  ?

Compliqué d’en parler sans trop déflorer le sujet…

Ce livre est une dissection de cerveau d’une minutie incroyable dont la violence (non gratuite) est à la (dé)mesure de l’ambivalence identitaire de Blue.
Quelque chose ne la laisse jamais en paix. Tout comme nous, lecteurs.
Et je vous promets que cela à de quoi retourner votre propre tête à la lecture !

C’est un livre intense en terme d’émotions, tout à la fois oppressant et irrésistible, à l’atmosphère pesante, malsaine ou glauque parfois (typique pour moi de la littérature du Nord) qui ne peut que marquer celui ou celle qui se plongera dedans.

J’ai de temps en temps dû faire des pauses.
J’avais l’impression d’être le médecin et d’avoir Blue devant moi…

Brrrrrrr

C’est une plongée en abîme, toujours sur le fil du rasoir.
Mais c’est aussi (et sans doute avant tout) l’histoire d’un amour incommensurable d’une fille pour son père.

At the end, welcome back to reality!
The real one? Really?

Editions Liana Levi

NDLR. Cette chronique a été rédigée pour Lecteurs.com, en tant qu’Explorateur de la rentrée littéraire.

« Sfumato » de Xavier Durringer…

« Tout ce qui est couvert d’un voile sera dévoilé,
tout ce qui est caché sera connu »
(Luc, 12:2)

Ce livre raconte l’histoire de Raphaël qui habite le quartier populaire de Belleville et qui est entouré d’amis et d’amours délinquants et cocaïnomanes. Voilà pour le premier tableau… noir !
Un jour, il rencontre un certain Viktor, vieux juif russe, jazz man mais surtout ancien conseiller à la Maison Blanche qui lui ouvre la porte d’un autre monde… d’un tableau… du tableau qu’est la Joconde.
Que se cache-t’il en effet derrière cette technique artistique qu’est le sfumato ?

Il « produit, par des glacis d’une texture lisse et transparente, un effet vaporeux qui donne au sujet des contours imprécis.
Il consiste en une manière de peindre extrêmement moelleuse, qui laisse une certaine incertitude sur la terminaison du contour et sur les détails des formes quand on regarde l’ouvrage de près, mais qui n’occasionne aucune indécision, quand on se place à une juste distance »

« Léonard de Vinci a théorisé l’usage du sfumato. « Veille à ce que tes ombres et lumières se fondent sans traits ni lignes comme une fumée ». Combiné avec le clair-obscur, il simule le volume, également dépourvu de contour exact, puisque changeant d’un œil à l’autre et avec chaque mouvement. »

A partir de là, nous rentrons dans une aventure, une enquête, un parcours aussi initiatique qu’illusoire, aussi romanesque que marginal !

« Il faut savoir se perdre, il y a des endroits où personne ne va et c’est là que c’est intéressant, sortir des chemins balisés, remonter les cours d’eau… »

C’est la rencontre avec Viktor (page 158) qui rend intéressant ce premier roman. Mentor, maître à penser, c’est un véritable cabinet de réflexion pour Raphaël et pour nous, lecteurs.

« Si vous voulez comprendre le monde, il ne faut pas vous arrêter à l’actualité mais analyser ce qui s’est passé depuis 5 000 ans et même encore plus loin, sinon vous ne comprendrez rien à rien de ce qui se passe aujourd’hui »

« Croire, c’est s’enfermer, mais la foi c’est autre chose, la foi c’est l’ouverture vers l’autre. Un croyant s’enferme. C’est tout le problème de la religion »

« Les dogmes sont comme des tableaux qu’on accroche aux murs et qui ne bougent plus, alors que tout est mouvement autour de nous »

« Il faut savoir se perdre pour trouver »

« Vous êtes un écrivain, un poète, vous saurez quoi en faire;  je vous le donne de la matière, à vous de la transformer »

Repenser… Trouver…
Qu’est-ce qui est vrai… faux ?

« Et si tout cela n’avait été qu’une énorme farce, ou juste un jeu, un grand jeu où je m’étais définitivement perdu ? »

« Peut-être n’était-ce que le cheminement qui était intéressant ? Et j’avais déjà bien cheminé. Mais pas encore assez pour rebrousser chemin »

Xavier Durringer est un dramaturge, scénariste, réalisateur et homme de théâtre.
Nous le ressentons beaucoup dans le livre, qui pourrait être un film !

Tel le procédé en question, ce premier roman offre plusieurs niveaux de lecture à mon sens.
C’est en cela que je l’ai trouvé attrayant, même s’il ne m’a pas non plus renversée.

Sans faire partie du groupe 68 premières fois (j’en suis à mon 6e ouvrage lu) je serais certainement passée à côté. Rien de grave bien sûr dans l’absolu, mais je suis tout de même contente d’avoir eu l’occasion de me plonger dedans même s’il n’est pas parfait.
C’est une lecture qui change. Et ne serait-ce que pour cela il doit être défendu !

« L’image a tué l’imagination » 

 

Editions Le Passage 

Les autres premiers romans de cette rentrée littéraire (septembre 2015) que j’ai lus…

 

« Ah ! ça ira… » de Denis Lachaud…

Un enlèvement dans les plus hautes sphères de l’Etat français, la mort d’un homme d’affaires new yorkais influent…

« Ah ! ça ira… » démarre sur les chapeaux de roue, tel un excellent thriller !
Très vite le chaos grandit de par le monde.
Il est politique. Il est médiatique. Il est social…

En 2037, la fiction semble avoir rejoint la triste réalité qui nous pend au nez si nous ne changeons pas nos actes, notre façon de penser et de voir certaines choses.

Michel Houellebecq proposait son analyse de notre pays en abordant la question de l’islam dans « Soumission ». Denis Lachaud voit plus grand et dissèque nos civilisations dans leur globalité et les évolutions (bonnes et mauvaises) qui s’y rattachent.
C’est une description implacable, sans concession, extrêmement bien détaillée, documentée et argumentée de la société qui nous attend.
Et on se prend au jeu.
Un livre à scénario intelligent, bien ficelé et très bien écrit qui tient en haleine.

Et après ?
Roman d’anticipation ou pure fiction ?

A vrai dire peu importe. Le principal est dans le fait que l’auteur arrive à nous questionner, appuie là où ça fait mal, pour qu’à travers cette étude assez noire de notre société et des personnes qui la composent nous trouvions en nous-mêmes une solution positive (si elle existe…).

« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Les aristocrates à la lanterne;
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Les aristocrates on les pendra; »
(Révolution française, 1790)

Editions Actes Sud

NDLR. Cette chronique a été rédigée pour Lecteurs.com, en tant qu’Explorateur de la rentrée littéraire.

 

« La terre qui penche » de Carole Martinez…

Quatre ans après, Carole Martinez nous replonge dans Le domaine des murmures, mais cette fois nous sommes en 1361 et la construction du livre est un écho entre une vieille dame et une petite fille, LA petite fille qu’elle a été, LA vieille dame qu’elle est devenue dans un murmure, ce murmure qui la suit comme une ombre à travers le temps.

« A tes côtés je m’émerveille.
Blottie dans ton ombre, tu partages ma couche.
Tu dors, ô mon enfance,
Et pour l’éternité, dans la tombe, je veille. »

Blanche est morte à l’âge de douze ans. Elle raconte son père qui l’emmène dans la forêt alors qu’elle est vêtue de ses plus beaux habits. Pourquoi veut-on la marier à un enfant « au regard vide » ? Veut-on la sacrifier au diable filou afin que le temps des misères cessent ? Qui était cette mère, sa mère qu’elle n’a jamais connue ? Qui est ce père qu’elle a tant aimé et qui désormais la répugne ? La peur au ventre, elle avance vers l’inconnu… vers le bout du chemin du domaine… vers cette terre… qui penche… vers son destin !
A côté d’elle la vieille âme qu’elle est devenue l’écoute et se souvient.

Oui, pour notre plus grand bonheur, Carole Martinez nous propose ici encore cet univers qui lui est propre, ponctué de réel et d’irréel et dont la magie instantanée nous enveloppe.
A chaque livre, à chaque page, à chaque mot, c’est aussi curieux qu’irrésistible.

« Mon passé te survivra. A moins bien sûr que tu l’inventes pour me forcer à te libérer »

« Je suis une autre. Je suis l’autre »

« La terre qui penche »… ou les mauvais souvenirs métamorphosés sur l’autel d’un monde parallèle créé par une petite fille qui veut autant fuir quelqu’un qu’en retrouver une autre…

Véritable dissection de l’autonomie de l’enfance dans l’imaginaire, nous retrouvons ici les thèmes qui lui sont chers au carrefour de l’au-delà et du monde des vivants, notamment celui des femmes et de leur condition. Et avancer à travers les siècles avec ces portraits féminins que nous offre Carole Martinez est une mise en abîme des plus intéressantes. L’auteur s’est sans aucun doute lancée dans une véritable oeuvre du genre avec ce deuxième volet.

Son écriture est toujours somptueuse (poétique, violente, chirurgicale, charnelle…) et donc la palette d’émotions qu’elle sait offrir à ses lecteurs toujours aussi grande.

« On ne quitte pas le monde de l’enfance si facilement. »
Essayez donc d’ouvrir ce livre sans être comme… envoûté(e) !

Pour ceux qui n’auraient pas lu « Le coeur cousu » et « Du domaine des murmures », qu’ils s’en délectent avant de plonger dans celui-ci. Ce troisième livre fait en effet plusieurs allusions aux deux précédents et cela vous aidera à vous familiariser avec son univers…

Cette chronique a été rédigée pour Lecteurs.com, en tant qu’Explorateur de la rentrée littéraire.

Editions Gallimard